Des villes durables, demain?
Aujourd’hui, l’aménagement des territoires et l’urbanisme sont étroitement liés aux défis environnementaux. Les villes en pointe visent la sobriété énergétique, la diminution de l’empreinte environnementale et le respect de la biodiversité. L’humain a réinvesti l’urbain. Dans son ouvrage : « L’économie Symbiotique : régénérer la planète, l’économie et la société[1]», Isabelle Delannoy, propose d’intégrer les écosystèmes industriels, vivants et numériques pour créer un nouveau modèle de société.
En matière de construction, quels sont les défis à venir?
Les États, les industriels, les investisseurs, les financeurs ont pris conscience que limiter les impacts écologiques en réduisant les émissions de carbone est essentiel, mais pas suffisant. Avec l’accélération du réchauffement, les écosystèmes vivants doivent être régénérés massivement, au niveau local. Le moindre épisode pluvieux peut se transformer en inondations, jusqu’à provoquer des catastrophes. La cause est liée aux sols. Les risques seront réduits en retissant des écosystèmes agricoles résilients. La transition agricole vers l’agro-écologie et la permaculture doit être favorisée. La ville a un rôle à jouer dans cette revitalisation du monde. Les écosystèmes vivants infiltrent l’eau, micro-climatisent, épurent, dépolluent. L’ingénierie écologique permet d’assurer ces fonctions sur des surfaces très réduites, à moindre coût, en produisant des paysages urbains exceptionnels, en contribuant aux équilibres planétaires et en ralentissant la dégradation des infrastructures bâties.
Comment l’urbanisme prend en compte les enjeux sociétaux?
L’urbanisme actuel a créé de la distance entre les zones de vie, de travail et de consommation. Les infrastructures de mobilité sont saturées et vides aux mêmes heures. La gabegie d’espace et de temps, gigantesque, favorise la fracture sociale et familiale. Il faut agir sur les facteurs de résilience sociale pour éviter que les crises financières, économiques, sociales et écologiques ne se nourrissent. Ce qui amène à repenser l’urbain vers une mixité (habitat, bureau, fabrication et commerce) pour faciliter les rencontres, le dialogue inter-générations et la coopération entre industriels, collectivités et citoyens.
Que seront les villes demain ?
Elles peuvent devenir des écosystèmes qui transforment leurs besoins en ressources, leurs déchets en plus value. Ce sont des villes intelligentes (NDLR : smart-cities) : en connectant les objets, elles rendent la distribution énergétique, les flux d’eau et de déchets plus efficients. En connectant les hommes et leurs activités, elles densifient les échanges sociaux et commerciaux. Ce sont des villes qui favorisent la coproduction et les gouvernances partagées.
- Liverpool, Portland sont sorties de la déprime industrielle de cette façon ; Medellin et Curitiba, de l’extrême violence urbaine. Churchville en Nouvelle-Zélande s’est reconstruite grâce à la démocratie participative de ses habitants. San Francisco réutilise déjà 80 % de ses déchets, crée des emplois et le lien avec sa ceinture agricole…
Les réseaux de bonne pratique entre villes existent se développent fortement depuis 15 ans[2].
Quels sont les innovations et les expérimentations?
Sur le plan technique : modularité, interopérabilité, biomimétisme, notamment pour les matériaux et la circulation des flux. Ces orientations favoriseront la circularité, l’adaptabilité, la réparabilité : développement de l’habitat modulaire et connecté, utilisation des biomatériaux et développement de filières locales. Ces approchent privilégient la diversité des fonctions et des architectures en conservant les structures historiques. L’ingénierie écologique associe résilience climatique, sociale et infrastructurelle en diminuant les coûts. Il s’agit aussi de rendre accessible les structures juridiques coopératives, de faciliter le « prêt à porter » juridique, financier et de gouvernance.
Pourquoi la ville de Portland est-elle emblématique?
Elle s’est développée selon deux axes : respect de l’environnement et mixité fonctionnelle. Chacun peut accéder à l’ensemble des services en moins de 15 à 20’ à pied, où qu’il habite. La gestion des eaux de pluie, particulièrement innovante, diminue les risques d’inondation avec des toits végétalisés, des jardins de pluie et un réseau de récupération d’eau. Sur le plan économique, Portland a multiplié ces dernières années des fonds public-citoyens pour la gestion des eaux, la production d’énergie et le développement des entreprises locales.
Portland : données clés
- Population (1980-2010) : + 60 %
- Émissions de gaz à effet de serre (1990-2014) : – 21 %
- Autonomie électrique pour le 1/3 de la consommation
- Mobilité : plus de 30 %des habitants se déplacent à pied, à vélo, en voiture partagée ou en transports en commun.
- Consommation de carburant par personne entre 1990-2014 : -29%
- 1 milliard de $ économisés chaque année en transport
- Emplois (1990-2014): + 24% dont 1500 emplois créés et 90 millions de dollars de CA annueldans l’industrie de la
[1] Actes Sud, octobre2017
[2] C40 Cities Climate Leadership Group (C40) est une organisation qui rassemble 81 des plus grandes villes de 49 pays qui lutte contre le dérèglement climatique.